Compte rendu du CNESER du 1er juin

Séance plénière

Séance consacrée à la licence professionnelle (documents : synthèse des observations recueillies par le ministère à son cahier des charges et résumé de ces observations) et au mastaire (document " orientations concernant le mastaire ").

Si vous souhaitez avoir ces textes (et deux autres textes distribués : bilan des concours enseignants 98-99, plan social étudiant) :

< jacqthib@biogeodis.jussieu.fr >

28 rue de Torcy, 75018 Paris

En début de séance, petite escarmouche : la suite de la discussion prévue pour le 7 ayant été déplacée au 21 après une démarche du SNESup, quelques interventions dénoncent la désinvolture du ministère qui ne s’est pas donné la peine d’informer les autres membres du CNESER (Sud reconnait avoir contribué à la dénonciation).

Licence professionnelle (LP)

Le calendrier serait le suivant : discussion en CNESER et constitution d’un groupe de travail présidé par Yves Escoffier ; nouveau débat en CNESER le 21 juin (intégrant les décisions du sommet européen de Bologne, les 18 et 19 juin) ; rapport du groupe de travail en septembre ; projet d’arrêté soumis au CNESER qui devrait paraître en novembre.

Les réponses des syndicats et des institutions, et les interventions de la matinée font apparaître un énorme consensus en faveur de ce nouveau diplôme : oui à la professionnalisation (le SNESup préférerait licence technologique), oui au cadrage national souple, oui à une réponse à des besoins locaux, régionaux (la CGT rappelle la compétence des régions en matière de formation professionnelle), oui à des stages longs (consensus : 3 mois), oui à l’intervention du patronat dans l’élaboration, l’habilitation, la réalisation et l’évaluation des projets, oui à l’ouverture à des publics différents (IUT, BTS, DEUG, …, en formation initiale et en formation continue), oui à la demande d’une charte des stages …

Des divergences s’expriment :

- certains sont opposés à toute régulation à l’entrée (SGEN, SNESup, UNEF ID, FEN), d’autres pensent qu’une sélection est inévitable (dans le cadre d’une offre nationale suffisante - SNESup !, ou en fonction des limitations dues aux stages et aux projets tutorés) ;

- certains sont favorables au maintien des formations technologiques à 3 ans (DNTS, FCIL suites des BTS - SNES ; IUT en 6 semestres - président de l’asso des directeurs d’IUT - ADIUT) ;

- ceratins demandent de prévoir des poursuites d’études (SNESup, UNEF ID) ou les limiter (SGEN, FEN).

Intervention de Jean Pierre Farrugia, MEDEF (ex. CNPF).

Le Medef n’a pas souhaité ce diplôme et en général, est contre la poursuite systématique d’études … qui diffère l’entrée dans le monde du travail (l’idée est qu’il y a fuite en avant, psychotique, face à l’entrée dans le monde réel, thérapeutique évidemment). Ouverture des LP en fonction des besoins locaux, des bassins d’emplois, spécialités en rapport avec branches professionnelles (du Medef !), sélection à l’entrée avec rattrapage pour les DEUG, parcours diversifiés …

Le Medef n’est pas favorable à la reconnaissance de la LP au niveau II des conventions collectives (à la présidence du CNESER, les têtes s’allongent), niveau III, oui, et peut-être II après des compléments. Favorable à une reconnaissance européenne, mais plutôt par des accords entre établissements.

Intervention d’Antoine De La Chaiserie, président de l’ADIUT. Antoine parle beaucoup, et indique les points que devrait comporter l’arrêté … on comprend vite que l’essentiel est la volonté des IUT de piloter l’opération.

Sud Education se complait dans le rôle de briseur de consensus.

La LP est l’élément le plus présentable du dispositif 3-5 ou 8, parce qu’elle semble être une réponse à une demande de poursuite d’études. Mais elle est en pointe dans l’idée fausse que la professionnalisation est une solution au chômage, dont l’Université porterait une part de responsabilité : il y a imposture, il n’y aura aucun emploi nouveau créé. L’essentiel est alors l’orientation d’une partie des flux vers des niches d’emplois et le conditionnement de ce public par les valeurs de l’entreprise.

Au delà, le dispositif consolide l’idée qu’il y a un marché des formations, dans lequel l’Université doit prendre place, en intégrant les caractéristiques des " bassins d’emplois ", et donc négociant avec les collectivités territoriales et entreprises les filières à créer. C’est un processus de privatisation du service public.

Sud Education est opposé à ces projets. Sud pose deux questions susceptibles d’éclairer les orientations du ministère : quel flux d’étudiants est envisagé pour ces nouvelles filières, quelle poursuite en maîtrise accessible est envisagé. Pas de réponse.

FO, les seuls opposés aux projets (!), reprend un peu l’argumentation de Sud (!) avec une coloration plus défense des savoirs. Favorable à une rémunération des stages selon les conventions collectives.

En fin de matinée, le groupe de travail est constitué et la discussion s’arrête sans que l’administration aie donné la moindre indication sur ses propres objectifs vis à vis de la licence professionnelle. Les seules interventions ministérielles seront des réponses à des points abordés par l’UNEF ID. Sud les sollicitera encore l’après-midi … rien ! C’est dire que le schéma est au delà de la cogestion : le ministère laisse le projet se préparer par les syndicats et les institutions. Mais que se passera-t-il après les élections européennes ?

Mastaire

Ce sera un grade, comme le baccalauréat, la licence et la thèse, et non un diplôme comme le DEUG, la licence de droit, la maîtrise … donc un grade " surlignant " des diplômes actuellement existant.

Mais pas seulement un grade, puisqu’il sera conféré à des diplômes à vocation professionnelle : DESS, ingénieur, DEA à caractère professionnalisant, autres diplômes (par ex. IUP retardé) … et diplômes étrangers participant à la politique d’harmonisation européenne.

Le dispositif, complètement approuvé par Gérard Bender, conférence des présidents, est critiqué sous deux angles :

- La confusion nombre d’années d’étude (grade) et contenu (professionnalisation) qui atteint son apocalypse pour les DEA dont certains pourraient être mastérisés (on cite le droit ou des DEA qui intègreraient des modules de professionnalisation), et d’autres pas, et pour les IUP dont certains décalés d’une année (bac +2 à +5) pourraient aussi être mastérisés, et d’autres maintenus bac +1 à +4 ne le seraient pas sauf à être prolongés par un DESS. Comme le disait l’UNEF, au lieu de la lisibilité annoncée, c’est l’opacité. Sud Education a eu la faiblesse d’en rajouter une couche.

- Le maintien des diplômes existant à l’intérieur du cycle surligné par le mastaire aura des effets sur les choix étudiants : qui s’engagera vers le bac + 5 sans avoir la certitude d’avoir une place en DESS et DEA qui restent sélectifs ? Sous l’allongement apparent des études, le dispositif entraînera un renoncement à l’issue de la licence, bien sûr pour les étudiants qui ne peuvent prendre le risque d’être bloqués en route, ceux qui ont le plus de difficultés financières.

Ce qui conduit l’UNEF ID à demander la suppression de la sélection à l’entrée des DEA et DESS, et le Medef à dénoncer la fuite en avant vers le doctorat.

L’un des élus SNESup annonce carrément : s’il y a sélection entre le grade licence et le grade mastaire : ce sera niet ! Aussitôt, les pilotes du SNESup corrigent le tir …

Dans ce débat, l’administration n’a pas du tout paru convaincue par le projet qui a du descendre tout droit du cabinet, Bologne oblige !

Après la Sorbonne, Bologne

Le sommet des ministres de l’EN de 30 pays européens, et des délégations universitaires, se tiendra à Bologne, les 18 et 19 juin prochain. La première journée sera consacrée à la présentation d’une étude de la conférence des recteurs européens et la réunion de 5 groupes de travail :

- architecture des formations, notamment 1er cycle ;

- souplesse et fléxibilité des formations ;

- parcours de formation ;

- compétitivité et concurrence ;

- développement des ressources humaines, mobilité, gestion des carrières.

Le lendemain, ce sera la réunion des ministres (on craint le pire !).

Personne ne relèvera le côté violent des thèmes retenus, l’essentiel des intervenants regrettant de ne pas avoir été associés à la préparation, et de ne pas être invités (sauf l’UNEF ID). Nous, on demande rien ! Personne ne soulignera le rapport avec l’exhumation du mastaire, non prévu à l’ordre du jour auparavant. Personne n’imaginera que Bologne pourrait bien marquer la fin du purgatoire imposé au ministre par les anti-Allègre sous couvert de Jospin …

Sud s'est abstenu en fin de réunion sur deux motions largement adoptées :

- L'une présentée par le SNESup demandant d'une part approfondissement de la concertation et moyens pour la mise en place des licences professionnelles, et d'autre part engagement d'un débat sur le mastaire où le projet ministériel ne serait qu'un élément.

- L'autre présentée par l'UNI contre les menaces de sanction par le président de l'Université Paris II envers un étudiant de l'UNI qui intervenait en amphi à l'occasion d'élections universitaires, avec l'accord du prof (unanimité moins l'abstention de Sud !).

Jacques Thibiéroz, 3.6.99