1999 : la recherche et la formation deviennent des marchandises ?

 

Le chômage et la précarité sont les garants pour les intérêts financiers de coûts de main d'œuvre minimum et de l'asservissement des individus. Plutôt que de s'attaquer aux problèmes de l'emploi, les différents décideurs sociaux, politiques et économiques se sont donc limités au contrôle des variations de la courbe du chômage. Ce choix a permis une augmentation du travail précaire, que cache la manipulation de quelques indices statistiques ; à tel point qu'un commissaire au Plan qui dénombrait 7 millions de personnes en difficulté d'emploi a été rapidement remercié.

Ce contexte général donne un autre éclairage sur les évolutions récentes du discours sur l'enseignement supérieur et les différents projets de réformes de l'université. La montée des effectifs étudiants depuis le milieu des années 80 exigeait d'autres moyens que ceux consentis. Si les avantages relatifs des diplômes sont conservés, l'échec reste élevé. La démocratisation de l'enseignement supérieur se termine en impasse. Ces conditions fournissent l'occasion de détourner l'attention des véritables causes du chômage, pour désigner l'éducation - en particulier l'enseignement supérieur et la recherche - comme responsable. D'une façon perverse, dans ce renversement de la réalité qui caractérise la pensée de l'élite politique, le chômage est utilisé comme argumentaire pour "réformer l'Université" ; en fait, la "dégraisser" du peu de pensée critique qui pourrait y être diffusée.

C'est le sens que prend le discours sur la nécessaire "professionnalisation" des cursus du document d'orientation-"harmonisation européenne" diffusé par le ministère. Cette logique apparaît fortement dans la loi sur la recherche et l'innovation. L'accent y est mis sur la recherche en tant que créatrice d'emplois, et des "incubateurs" d'entreprises innovantes doivent être implantés au sein de l'université, qui se substitue ainsi aux acteurs privés : un détournement de fonds publics et la fin de la mission d'intérêt général?

Ce projet de loi est incompatible avec les statuts actuels des personnels, qui comporte une " double obligation d'exclusivité et de désintéressement ". La formation d'écoles doctorales massives devrait renforcer les pôles d'excellence déjà existants, rendant plus efficace un dispositif de contrôle social au service d'une caste dominante. Ces synergies sont accentuées par le renforcement du rôle des intérêts locaux dans les universités via les contrats états-régions, la politique d'aménagement du territoire et l'application du principe de subsidiarité.

L'ensemble de ces réformes participe à un discours général qui cache finalement un changement de société, vers plus de précarité et plus de contrôle, restreignant la liberté de l'individu à la liberté de circulation d'une marchandise. Cette logique s'attaque, grâce à un ministre de l'éducation encensé par le Figaro et Madelin, à l'ensemble des usagers et exclus de l'enseignement supérieur. Elle a déjà conduit, dans la fonction publique, à remplacer des personnels statutaires par des emplois-jeunes sous couvert de "nouveaux métiers". C'est pourquoi nous réclamons le gel de l'ensemble des projets du ministère : document d'orientation-harmonisation européenne, loi sur la recherche et l'innovation, plan U3M, dispositif des contrats Etat-Régions, gestion des personnels, réforme du CNRS.

 

 

SUD Education Jussieu P6, P7, CNRS (http://www.multimania.com/sudeducj).