Sud Education, 30bis rue des Boulets, 75011 Paris

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Communiqué de Presse

Depuis la parution du RAPPORT ATTALI, le ministère ne cesse de brouiller les cartes :

- Claude Allègre déclare qu'il n'est pas lié par le texte, mais ses réseaux poussent à sa mise en place anticipée ;

- des responsables ministériels lancent des pétards - suppression des DEA dès la rentrèe 99, concentration des écoles doctorales -, avant d'être remplacés sans autre explication.

Parallèlement au malaise provoqué par les projets de décrets mettant en cause le fonctionnement du CNRS, la situation se détériore à l'Université. Publié le 18 décembre en réponse aux actions des étudiants de plusieurs universités, le texte " Harmonisation européenne, document d'orientation " (http://www.edutel.fr/sup/harmoneurop.htm) n'apporte pas les réponses attendues.

Sud Education considère que l'architecture du projet constitue une extraordinaire menace pour la double mission d'enseignement et de recherche de l'université. Il évacue la possibilité d'un enseignement supérieur où des savoirs (professionnels ou autres) s'appuieraient sur la maîtrise d'un champ disciplinaire, nécessairement liée à la recherche. En refusant cette possibilité, le document d'orientation développe une évolution déjà ancienne de parcellisation des connaissances, au nom d'une professionnalisation des filières. Ainsi, dans ce nouveau projet, la recherche ne semble plus concerner que les formations doctorales.

La mise en oeuvre de ce projet, sur la base du volontariat, au rythme des renouvellements des contrats d'établissements, vise à différer tout débat national. Elle place les étudiants en situation d'inégalité face au service public d'enseignement supérieur, inégalité renforcée au grè des orientations des contrats états-régions, des contrats quadriennaux des universités, et demain, par la mise en oeuvre du plan U3M. Le flou des mesures permet la formation de pôles universitaires locaux et de pôles d'excellence, soumis aux conditions économiques locales.

Dans cette optique, le ministère prétend maintenant limiter la concertation aux seuls états-majors universitaires, à l'occasion d'une réunion élargie de la section permanente du CNESER, en excluant tout débat plus large, et en particulier avec les représentants de la coordination étudiante non invitée à l'entrevue avec les syndicats de personnels et d'étudiants du 17 décembre dernier.

En conclusion, face à ce projet, qui reprend les principales lignes du rapport Attali, Sud Education s'associe aux revendications des étudiants qui refusent une privatisation accrue de l'université et le développement d'un enseignement à deux vitesses, pour réclamer une réforme renforçant le service public d'enseignement supérieur, et ouvrir l'université sur la création et la diffusion de savoirs critiques.

 

 

Sud Education s'oppose à ces orientations, dont les conséquences ne sont que trop prévisibles, et tient à insister sur les points suivants.

*** UN SYSTEME D'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

DE PLUS EN PLUS SELECTIF ***

* Dans le cadre de l' " harmonisation européenne ", les diplômes actuels ne peuvent que dépérir avec la mise en place du nouveau système. Le passage à bac + 3 (et à bac + 5) marque un allongement de la durée des études qui, faute de mesures sociales significatives, découragera les étudiants issus des milieux défavorisés.

* A l'université, la " fluidité ", et les " passerelles " annoncées n'existent pas, tous les verrous du système actuel restant en place : les conditions limitatives d'accès à la maîtrise définies par les arrêtés de 97 rendent les poursuites d'études après la licence professionnelle totalement impraticables. On peut craindre également que la mise en place de stages se fasse au détriment des enseignements généraux qui auraient permis à ces étudiants de rejoindre les cursus à 5 ou 8 ans. La sélection maintenue à l'entrée des DESS et des DEA éliminera sans autre issue une partie des étudiants ayant opté pour le mastaire ou pour la voie longue. L'accès à la voie longue à l'issue du mastaire est soumis à un jury, qui ne pourra que constater l'impréparation des étudiants à la recherche et trier arbitrairement les étudiants.

* Le projet du ministre offre aux grandes écoles la reconnaissance universitaire qui leur fait défaut au niveau européen : tous les diplômes universitaires du DEUG à la thèse deviennent accessibles, et cela sans la moindre remise en cause du rôle social des grandes écoles dans la reproduction des castes dirigeantes, sans la moindre obligation de lier leurs cursus à la recherche. Le conseiller spécial de Jospin, à qui l'on prêtait l'intention de s'attaquer à ces bastions de l'élitisme, en deviendrait-il leur représentant ?

Parallèlement, les IUP s'alignent sur le cursus des grandes écoles.

*** VERS LA FIN DES CURSUS NATIONAUX ET DU

SERVICE D'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR LIE A LA RECHERCHE ? ***

 

* L'année de maîtrise est au coeur du dispositif : c'est là qu'est placée l'orientation entre les filières (professionnalisée, voie longue, préparation aux concours, ...). Elle sera le lieu des coexistences impossibles. La précocité de cette orientation risque de remettre en cause la place de la recherche à l'université : en l'absence de référence aux apprentissages disciplinaires, liés à la recherche, elle contient l'idée que tout ce qui précède le doctorat pourrait être coupé de la recherche et de la diffusion d'un enseignement actualisé. De plus, cela constituerait une menace de mort pour tous les secteurs à débouchés économiques limités, lettres, sciences de l'homme et de la société, arts plastiques ... L'absence d'évocation du statut des personnels qui délivreront les formations (à l'exception des enseignants de BTS appelés à exercer en licence professionnelle) laisse craindre une mise en cause du statut d'enseignant-chercheur.

* Le projet envisage 5 modalités différentes pour la délivrance du mastaire, qui ne nécessitent pas toutes l'obtention de diplômes comme la maîtrise (dont le contenu est défini nationalement par les arrêtés de 97) : par l'obtention du DESS ou d'un diplôme d'IUP ou de grandes écoles, par validation des acquis, et au niveau de la préparation des concours à Bac+5. Une telle hétérogénéité ouvre la voie à une élaboration locale du contenu de la voie courte à Bac+5, et remet en cause le caractère national de la définition pédagogique des diplômes: c'est la porte ouverte pour la prise de contrôle du service public d'enseignement supérieur par des intérêts privés.

* Le projet actuel bâtit un déséquilibre entre la voie à Bac+5 et le doctorat. Soit il marginalise les filières théoriques dont les débouchés seraient limités à l'enseignement et la recherche, contradictoirement avec l'objectif ministériel de développer les débouchés industriels à l'issue de la thèse, soit le succès de cette dernière politique ouvre aux thésards les portes du monde économique, et décrédibilise les mastaires. Cette contradiction peut entraîner une balkanisation totale du champ des formations, avec la création de " niches diplômantes " hautement valorisées, où les jurys attireront les étudiants de certains mastaires. En place de la lisibilité annoncée des formations, la règle serait l'opacité, propre à dissuader les étudiants les moins informés, du fait de leur origine sociale, de s'engager dans la voie longue.

 

 

***LA RECHERCHE ET LA FORMATION NE SONT PAS DES MARCHANDISES ! ***

 

 

Fédération des syndicats Sud Education, 4.1.99




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