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Licence professionnelle

L'intérêt des étudiants … ou des entreprises ?

Après la mise en place sans texte réglementaire des écoles doctorales nouveau cru, après la création du grade de mastaire complétant les diplômes de DESS, DEA et d'ingénieur, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a donné le 8 novembre un avis favorable à l'arrêté relatif à la licence professionnelle, troisième volet du fameux 3, 5 ou 8 du rapport Attali.

Le projet visé au CNESER

Public concerné : les étudiants diplômés des filières techniques-technologiques courtes BTS, DUT, ceux titulaires du DEUG, et ceux souhaitant une reprise d'études, par le biais de la validation des acquis.

La licence professionnelle est organisée en formation initiale et en formation continue.

Inscription. Pendant une période transitoire de 3 ans, " les universités préciseront les modalités d'admission prévues " ; au delà, " l'objectif est d'accueillir l'ensemble des étudiants souhaitant s'inscrire ".

Traduction : dans un premier temps, sélection, puis dans 3 ans, répartition nationale des demandes selon les capacités d'accueil.

Organisation. Des enseignements généraux et professionnels, de langues, gestion et informatique ; un projet (au moins 25% de la formation) ; un stage de 12 à 16 semaines, pour une année d’enseignement de 24 à 32 semaines. Les professionnels assurent au moins 25% de la formation, et constituent entre 25 et 50% du jury.

Nature de la LP. C'est une " formation … conçue et organisée dans le cadre de partenariats étroits avec le monde professionnel ". " Elle porte une dénomination nationale correspondant aux secteurs professionnels concernés ". Si souplesse et professionnalisation sont maintenues, le patronat envisage d'agir pour la reconnaissance au niveau II de la LP dans les conventions collectives.

Son obtention confère le grade de licence.

Traduction : l'arrêté de 97 fixant la liste des diplômes requis, la LP ne donne pas accès de plein droit aux maîtrises. Le régime sera donc celui des accès dérogatoires, et des concours pour les recrutements ou formations à ce niveau.

Mise en place, suivi. La demande d'habilitation mentionne les partenariats avec les milieux professionnels, et les débouchés prévus. Elle sera examinée par une commission nommée, comprenant moitié de professionnels, moitié d'universitaires. Toutes les mesures réglementaires sont repoussées après la mise en place des formations : une table ronde sera organisée après la deuxième rentrée et ce n'est qu'ensuite que sera arrêtée la liste des dénominations nationales, et des autres diplômes donnant accès ; " l'élaboration de la carte nationale des formations " et " le plan de développement de l'offre globale de formation " à 3 ans sont l'objet d'une politique globale " progressivement mise en oeuvre ".

Ce projet a été approuvé par :

- 33 voix pour : CPU, Autonomes, QSF, CFDT et tout SGEN, tout FEN, patronat, CNELIA, ….

- 14 contre : UNI, tout FSU, FO et Sud Education.

- 5 abstention : les 2 UNEF, la CGT.

(La FERC-sup CGT, la confédération et l'élu professeur FO étaient absents).

Un projet répondant à une demande de formation ?

Tout au long de son élaboration, le projet de licence professionnelle a été présenté comme une réponse à la demande de différents publics :

- celle indiscutable des étudiants issus des filières courtes, IUT et STS, souhaitant poursuivre leurs études (65% des étudiants titulaires d'un DUT prolongent leur scolarité et recherchent pour la plupart une formation universitaire) ;

- celle d'étudiants titulaires d'un DEUG, dissuadé d’entreprendre des études longues et pensant se placer en situation favorable pour trouver un emploi en recherchant une formation adaptée ou des stages ;

- celle d'adultes déjà engagés dans le monde du travail, et voulant élargir leur expérience au travers d'une reprise d'études.

Le projet ministériel captera sans la satisfaire la demande des premiers, sera une illusion pour les seconds et renverra les troisièmes d'où ils viennent.

Sud Education a voté contre le texte ministériel et demande son retrait pour les raisons suivantes :

1. La licence professionnelle : un diplôme débouchant sur le vide.

Pour les étudiants s'engageant dans ces cursus, l'obtention du grade de licence, laissant espérer de possibles poursuites d'études, est une tromperie : les accès en maîtrise ne seront que dérogatoires, et les chances de réussite des étudiants ayant transité par BTS ou DUT + LP, quasiment nulles au vu du retard accumulé dans les matières générales.

L'objectif d'insertion professionnelle annoncé constitue un autre leurre, car les entreprises partenaires ne s'engageront pas au delà des contenus et des stages.

Pensée en dehors de tout cursus, la LP est un diplôme terminal, dont la fonction sera de détourner des filières généralistes une partie des diplômés du DEUG (" aménagé " pour les étudiants se destinant à la LP), dont on ne souhaiterait pas prolonger la formation, et qui seront séduits par l’affichage professionnel.

2. LA LICENCE PROFESSIONNELLE : UNE OPPORTUNITE POUR DEREGLEMENTER

La mise en place de la LP est marquée par une totale déréglementation : il n’existe aucune dénomination nationale, aucun programme, aucun horaire, les conditions d’admission sont laissées pendant 3 ans à la discrétion des établissements … les seules contraintes figurant dans le projet concernent la durée du stage, les partenariats avec les milieux professionnels associés à l’élaboration des projets, à leur mise en œuvre, aux jurys et à la commission nationale d’expertise de la LP.

Sans cadre et sans contenus nationaux, avec comme seule contrainte l’intervention du monde de l’entreprise à toutes les étapes, les Universités sont poussées à solliciter la demande de formation des entreprises situées dans leur bassin d’emploi, donc à être de simples courroies du patronat local, qui lui, n’a aucune obligation de financement ni de recrutement. Cet abandon des principes de la laïcité (indépendance face aux pouvoirs politiques, confessionnels et économiques), et cette " avancée " vers un fonctionnement sur le modèle des entreprises, sont contradictoires avec les missions du service public de formation supérieure et de recherche.

3. LA PROFESSIONNALISATION : UN MYTHE POUR L’EMPLOI, UN ALIBI POUR LA PRESENCE DU PATRONAT.

Le ministère, le patronat, la conférence des présidents d’universités, et la plupart des syndicats favorables à la démarche - sinon au projet -, défendent la LP, en travestissant une demande étudiante, au nom de la nécessité de la professionnalisation, " contrib[uant] … à la politique nationale de l’emploi ". Il s’agit d’une nouvelle expression de la pensée unique : non, la professionnalisation d’une filière n’est pas en elle-même créatrice d’emploi ; oui, le plus grand contrôle donné au patronat sur les formations délivrées constitue un recul pour le service public.

Lorsque le chômage touche un jeune sur quatre, il est plus que jamais indispensable de donner aux étudiants les moyens de maîtriser un champ de connaissances, d’y développer leur esprit critique, et donc leur capacité personnelle d’adaptation, et non d’axer leur formation sur les compétences requises par un emploi.

Recherche et formation ne sont pas des marchandises !

Sud Education Jussieu, 26 novembre 99




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