Mauvais Esprit

Numéro 1

Jussieu

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Budget et Statuts de l'Université

Statuts GIP " Universités de Paris "

Statuts groupement " Incubateurs ".

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Ça va durer encore longtemps ?

Quelques informations sur de récents Conseils d'administration de Paris 6,

en particulier celui du 22 novembre 1999.

Budget et Statuts :

Le Conseil d'administration de Paris 6 du 22 novembre 1999 s'est ouvert sur quelques explications du Président Jean Lemerle, concernant sa décision de ne pas faire voter le budget 2000 par le Conseil, alors que la partie recherche avait déjà été entérinée par le Conseil scientifique. Le CA du 25 octobre 1999 n'ayant pas voté une modification statutaire, Jean Lemerle s'estime dans l'incapacité de respecter la légalité (le rectorat ayant fait remarquer que certains services communs avaient un budget propre sans être composante de l'université). Il remarque que le projet de modifications des statuts, qui concernait les structures de l'université (c'est à dire les départements de formations, laboratoires, centres de recherches, UFR, Instituts et services communs) a échoué de peu, du fait de quelques élus agissant en raison de certaines velléités "particularistes" et "autonomistes", qui n'ont pas accepté un projet qui, d'après lui, ne faisait que reprendre la réalité quotidienne de l'université. En conséquence, et Jean Lemerle le déplore en indiquant la responsabilité de quelques "irresponsables", le rectorat arrêtera le budget de Paris 6 début mars, avec de possibles inconvénients pour la gestion des services de l'université.

A vrai dire, il était assez clair, qu'en présentant ces modifications de structures, Jean Lemerle courrait le risque d'un échec, puisque ce n'était pas la première fois, mais la seconde que le CA était amené à examiner ce texte, dont les termes n'avaient que fort peu variés : dans une université scientifique, il est heureux que les mêmes causes soient suivies des mêmes effets, et il faut espérer qu'il en sera encore longtemps ainsi ! Lors du CA du 28 juin 1999, un élu SNESup, membre de la Commission des Statuts (qui comporte également des élus FERC-CGT et SNCS), présentait un projet de modification des statuts, dépassant la simple mise en conformité budgétaire vis-à-vis d'un décret de 1994 pour, disait-il, renforcer le "parallélisme" des structures d'enseignement et de recherche, et "démocratiser" Paris 6. Ce faisant, la Commission des Statuts avait été obligée d'éviter la terminologie de la loi Savary qui régit depuis 1984 l'enseignement supérieur puisque, dans un texte de statuts, chaque mot a un sens juridique bien pesé. Le 28 juin, un élu SUD-éducation s'inquiétait de la disparition des composantes " Départements, laboratoires, et centres de recherches " prévues par la loi Savary et du principe de la majorité des deux tiers pour leurs créations-modifications-suppressions, ainsi que de l'apparition de "professionnels" dans les UFR. Le 28 juin, un directeur d'UFR et un Doyen contestaient également le projet sur des bases plus juridiques. Le 25 octobre, deux élus SNCS s'inquiétaient de la place des laboratoires dans les nouvelles structures. Le projet de modifications de structures fut donc repoussé par deux fois, malgré une légère modification présentée par la Commission des Statuts et soutenue par le SGEN-CFDT. Cependant, il ne faut pas se voiler la face : cet échec présidentiel eut lieu parce que les modifications de statuts requièrent la majorité des deux-tiers (difficile à obtenir en raison de l'absentéisme au CA), et surtout parce que le vote à bulletin secret, demandé par un élu, semble libérer les "oppositionnaires" ...

L'analyse de SUD-éducation était que les nouvelles structures entraînaient un regain d'autoritarisme présidentiel et des tutelles. Ce point de vue fut confirmé par deux fois. Le 25 juin 1999, Jean Lemerle (repris par Gilbert Béréziat, Vice-Président, recherche, secteur médecine) indiquait que, dans le projet de structures, " les laboratoires n'apparaissent pas comme composantes puisque leur évolution fait l'objet de discussions régulières dans le cadre du contrat quadriennal voté par l'Université, et ne peut être liée à une modification statutaire qui figerait le dispositif ". En clair, une structure peut être profondément modifiée, avec des conséquences importantes pour l'ensemble des personnels, lors du contrat quadriennal, principalement négocié par la Présidence. Le 22 novembre, SUD-éducation a demandé communication des observations des autorités de tutelle à propos des statuts et du budget ; ces observations concernaient uniquement certains services communs qui devaient devenir composantes de l'université pour bénéficier d'un budget propre ; dans une lettre du 8 juin 1999 de la vice-chancellerie des universités de Paris à Jean Lemerle, on trouve l'appréciation suivante à propos du projet de statuts : " Il s'agit d'une modification très profonde des structures de votre établissement, qui conduit à la suppression, dans les statuts de l'université, des départements de formation, des laboratoires et centres de recherche (Création par le président de l'université et non par le conseil d'administration à la majorité des 2/3) et de nombreux services communs. " Plus précisément sur ce point (il y en a d'autres...), pour SUD-éducation, le projet de statuts visait à instituer un doublonnement des structures : d'un coté des unités de recherche et d'enseignement et de recherche relevant des UFR (mais créées sous couvert de la Présidence), et de l'autre des groupements de recherche et d'enseignement, des services communs directement sous tutelle présidentielle : astucieuse méthode pour renforcer son pouvoir....

Il serait bon que les élus ayant appuyé cette politique s'expliquent, car une telle dérive autoritaire des Présidents était inscrite dans le rapport Attali, et Paris 6 a peut-être servi de ballon d'essai. Jean Lemerle a tenté de passer en force, et a échoué pour l'instant. Il tente maintenant de faire porter le chapeau à ceux que des élus appellent complaisamment "minoritaires", mais s'est placé en position quasi-démissionnaire en refusant de faire voter le budget (cf la loi Savary, le Président détermine l'ordre du jour du CA, et le CA doit voter le budget). Tente-t-il de préparer le terrain, et de profiter de l'afflux d'élus étudiants, renouvelés en février ? d'envoyer un signe aux autorités de tutelle ? Les dits "minoritaires" ont tenté de proposer le vote d'une modification minimale des statuts permettant de faire passer le budget, mais la garde rapprochée de Jean Lemerle a refusé son concours, sous des prétextes toujours aussi "démocratiques". Rappelons que le décret budgétaire de 1994 (Art. 29) précise que, lorsque le budget n'est pas voté, " les opérations de recettes et de dépenses sont effectuées temporairement sur la base de 80% des prévisions budgétaires définitives de l'exercice précédent, déduction faite, le cas échéant, des crédits affectés à des dépenses non renouvelables. "

Statuts GIP " Universités de Paris ":

Ce point a été examiné au CA du 22 novembre 1999. Dans une intersyndicale précédant ce Conseil, la plupart des syndicats s'était déclarée opposée à ce projet, qui, finalement "adouci" - et "revirements" aidant -, finira par passer dans son principe, avec deux voix contre (SUD-éducation) et deux abstentions (dont un élu SNCS).

Jean Lemerle rappelle que, dans le cadre de U3M, les universités de Paris (ainsi que le CROUS et la Cité U. Internationale) veulent s'associer en groupement d'intérêt public (GIP), afin de pouvoir mieux "collecter" les fonds de la région. Les projets envisagés concernent : l'accueil des étudiants étrangers, le réseau informatique (et sa valorisation) , et des activités d'éditions. Le texte aurait été rédigé par les juristes de Paris 2, et d'autres universités l'ont adopté. Les hic : apparaît la possibilité que ce GIP exerce des activités de recherche sous son autorité propre (ce qui était exclu dans l'exposé des motifs), et, finalement, personne de Paris 6 ne semble avoir participé à la rédaction du texte... Pour SUD-éducation, ce texte de statuts permet d'embaucher des personnels sur statuts précaires, ce qu'encourage le principe des GIP puisque les universités, déjà sous-dotés, n'ont aucun intérêt à prêter leur personnel. D'autre part, le fait que le GIP puisse breveter des inventions liés au réseau informatique, en particulier à d'autres GIP universitaires, nous semble contraire à la notion de service public. Enfin, il s'agit là d'une tentative inavouée de re-fondation de l'ancienne Sorbonne, maintenant dénommé pôle d'excellence parisien, ce qui mériterait un peu plus de discussion. Bref, dans la joie, la confusion, et la bonne humeur, Jean Lemerle réduit les oppositions de principe par un accord minimal dont on ne voit pas sur quoi le sens "démocratique" des dirigeants universitaires permettra de déboucher.

Statuts groupement " Incubateurs ":

Positions syndicales similaires au départ, quoique avec un vote plus mitigé : 2 contre (toujours SUD-éducation), 5 abstentions.

Jean Lemerle rappelle que la demande d'un Groupement d'intérêt économique (GIE) " Incubateurs " (qui permettra de "lancer" des entreprises innovantes en les accueillant pendant leurs deux premières années) regroupant ParisTech (Grandes écoles), Dauphine, ENS Ulm, Paris 6, a été accepté par le MENRT, à hauteur d'un financement de 12MF. Bien que la loi sur l'innovation et la recherche reste encore à compléter par des décrets, la Direction des Relations Industrielles de l'UPMC (DRI) désire aller de l'avant. La discussion, lorsqu'elle s'échappe du cadre formel et juridique donné par un élu SNESup, n'est pas inintéressante puisque elle permettra de donner un nouvel éclairage sur la loi sur l'innovation et la recherche : face à l'étonnement d'un élu SUD-éducation, Jean Lemerle admettra l'existence, au sein de Paris 6, d'"entreprises" qu'il qualifiera lui-même de "pirates". Lorsque SUD-éducation demandera, à titre de curiosité, s'il ne faudrait pas procéder à des appels d'offre pour attribuer les 12MF destinés au financement d'entreprises, la gêne de la DRI est manifeste : dans ce contexte, la loi sur l'innovation et la recherche apparaît comme une loi de blanchiment, destinée à servir en priorité quelques "personnes choisies". Il suffit d'entendre un Directeur d'UFR de mathématiques appliquées demander des postes d'enseignants-chercheurs pour développer cette mission "d'innovation", pour comprendre que la loi sur l'innovation et la recherche sera à l'origine de bouleversements quant au fonctionnement de l'université (et de la société ?), dont témoigne déjà l'engagement de confidentialité imposé aux doctorants à la rentrée 1999-2000, provoquant une opposition à laquelle auquel SUD-éducation a activement participé - opposition qui a rencontré un certain succès...

La cerise sur le gâteau: au cours de cette séance largement consacrée à l'exploitation commerciale de la recherche, et à l'adaptation de l'Université à ce nouvel objectif, ce CA ne s'étonnera paradoxalement pas de la motion, présentée par un élu du SGEN, inspirée de l'appel à la manifestation contre l'OMC, contre la " marchandisation du monde ". Mais il acceptera, à la demande de Gilbert Béréziat, de retirer une phrase qui refusait les brevets sur le vivant - ("plantes, animaux, micro-organismes et gènes"). Face à l'expression de cette fausse "bonne conscience de gauche" - qui fait semblant de condamner à Seattle ce qu'elle essaie d'instaurer à Paris - SUD-éducation refusera de voter cette motion, considérant que le CA de Paris 6 participe largement par ses décisions à la " marchandisation de l'université ".

En guise de conclusion... avec un tel syndicalisme et de telles pratiques de direction, l'université parait mal embouchée, au point que les "farfelus minoritaires et extrémistes" de SUD-éducation pourraient presque apparaître crédibles ! Si SUD-éducation participe, avec quelques syndicalistes et élus "minoritaires" - et avec un certain écho -, à la critique des réformes qui se mettent en place , la plupart des élus semble bien anesthésiée.

Si vous aimez suffisamment votre liberté (et vous serez peut-être bientôt forcé de l'aimer) pour vous opposer aux tentatives de renforcement des hiérarchies, faites le savoir !

13 janvier 2000

SUD-éducation Jussieu P6-P7-CNRS

Réunions les Vendredi à 12h30 Tour 45-55, 2ème étage (local provisoire)

Web: http://www.multimania.com/sudeducj