Paris 6 – Paris 7 - CNRS

LMD ?


La réforme LMD devrait se mettre en place dès la rentrée 2004
dans de nombreuses Universités, dont Paris 6 et Paris 7.
Mais savez-vous ce que prévoit cette réforme ?

L'harmonisation européenne a bon dos !

La disposition la plus médiatisée de la réforme LMD est le nouveau découpage des cursus universitaires, avec des sorties à Bac+3 (Licence), Bac+5 (Master), Bac+8 (Doctorat). Il paraît qu'il s'agit là d'une « nécessaire » (comme toujours) harmonisation européenne. Mais cette idyllique « harmonie » n'est le résultat d'aucune étude, au terme de laquelle on aurait prouvé que ce système serait meilleur qu'un autre ! L'harmonisation est décrétée bonne en elle-même. Elle est supposée favoriser le passage des étudiants d'un établissement européen à l'autre en homogénéisant les diplômes1, et dans le même temps, stimuler la compétition (entre Universités et entre étudiants) en diversifiant les parcours ! Bref, tout et le contraire de tout...

Une saine compétition entre établissements

Chaque université se voit donc sommée de présenter une « offre de formation » alléchante, destinée à séduire les étudiants comme autant de clients2. Dans cette logique marchande, il est clair que les « meilleurs » étudiants sont plus désirables que les autres, et que leur réussite, dans de prestigieuses filières « d'excellence », servira de vitrine à l'Université. En conséquence, il devient nécessaire de concentrer les moyens humains et matériels sur les seuls étudiants prometteurs, afin de ne pas gaspiller ses ressources3. Quant aux autres, leur « contrat » avec l'Université dit qu'ils doivent obtenir un diplôme, de préférence sans redoublement4... mais garantir l'obtention d'un diplôme ne dit rien du niveau de connaissances réellement acquis. D'autant que les Universités sont fortement incitées à déléguer une partie toujours croissante de la formation, notamment aux entreprises.

A qui profitent les stages ?

Répondant à une demande pressante du MEDEF, la réforme LMD fait une place importante aux stages en entreprise, supposés favoriser « l'employabilité » des étudiants. On échange donc un enseignement généraliste qui délivre des connaissances, contre une formation spécialisée qui valide des compétences adaptées à un débouché professionnel. La manoeuvre est censée améliorer la situation de l'emploi au sortir de l'Université. Hélas ! Cette belle histoire ne résiste pas à l'analyse : la multiplication des stages va-t-elle créer de nouveaux emplois ? Evidemment non5. En revanche, pour un emploi donné, plus il y a de candidats hyper-spécialisés, et plus la concurrence est rude. Finalement, ne sera embauché que celui qui est prêt à accepter des conditions d'emploi dégradées : bas salaires, flexibilité, etc. Le tout dans un ambiance de marchandage inéquitable, substituant aux conventions collectives un contrat individuel perpétuellement renégocié.

La formation tout au long de la vie

Les compétences, en effet, restent toujours un acquis provisoire. C'est là qu'entre en jeu la « formation tout au long de la vie », expression qui évoque une culture qui croît et se diversifie sans limites, et nous rend chaque jour plus savants et plus sages. Mais non. Ce n'est pas comme ça que la Commission Européenne voit les choses6. La formation dont il est question ici est seulement ce besoin, qui deviendra vital pour chacun, de se tenir à jour pour ne pas se faire distancer par ses concurrents : les autres salariés. Bien entendu, cette formation n'est pas du ressort de l'entreprise, ni de la collectivité : c'est à chacun de se « responsabiliser », comprenez de financer sa formation professionnelle7. A ce titre, l'Université se voit sommée de collaborer avec les entreprises pour concrétiser ces objectifs. Mais à terme, l'Université ne sera plus qu'une composante parmi d'autres du grand « marché de la formation », où le savoir s'échangera comme n'importe quelle marchandise8.

Une réforme imposée

Vous ignoriez tout cela ? C'est normal, c'est voulu ! La réforme LMD se met en place sans jamais avoir fait l'objet du moindre débat. Les textes définissant la réforme émanent principalement de la Commission Européenne9, et l'Assemblée Nationale n'a même pas été consultée. Le Ministère de l'Education a émis plusieurs circulaires et directives assez floues, parfois contradictoires, et confie aux Universités le soin de concrétiser tout ce verbiage. Ce qui ne veut pas dire que les établissements sont réellement libres : en dernier ressort, le Ministère doit valider les propositions, et tout ce qui est rejeté doit être modifié puis soumis à nouveau... jusqu'à être conforme à une idéologie, qu'il n'est jamais nécessaire de préciser trop ouvertement !

Dans les Universités, cette méthode est relayée par des présidents désireux de prouver leur zèle : les conseils élus par les personnels et les étudiants sont tenus à l'écart des décisions. Tout juste sont-ils « informés » de l'avancement des travaux, menés au pas de charge hors de toute concertation. Ce refus du débat en dit long sur la confiance des présidents d'Universités quant au bien fondé de la réforme !

Un enjeu de société

La réforme LMD se présente à nous comme un ensemble de questions plus ou moins techniques à résoudre, sans réel enjeu de société. Mais ne soyons pas dupes : il y a bel et bien de véritables choix politiques derrière cette réforme, qui marque une étape décisive dans le processus de libéralisation de l'éducation. L'harmonisation européenne n'est qu'un leurre, destiné à justifier une soumission de l'enseignement aux seuls objectifs des entreprises. La concurrence entre établissements est à l'opposé de la nature même d'un service public. Les objectifs de la réforme ne sont pas ceux de l'ensemble des citoyens. Au contraire, toute sa rhétorique est calquée sur le discours néo-libéral des entrepreneurs, relayé par la Commission Européenne.

Refusons la soumission de l'enseignement
à la logique marchande !

Exigeons un moratoire sur la réforme
pour entamer une véritable concertation
sur le devenir de l'enseignement !

Pétition (Appel de Limoges) sur http://membres.lycos.fr/manifestes

www.jussieu-en-lutte.ras.eu.org ; www.univenlutte.lautre.net
www.sudeducation.org ; www.sudjussieu.ras.eu.org ; www.sud-etudiant.org

1En réalité, le principal frein à la mobilité n'est pas administratif, mais financier. Or, le dispositif ne prévoit aucun financement supplémentaire pour cette mobilité accrue. Qui pourra se payer le luxe d'études à l'étranger ?

2« En tant que formateur au service d'un client, [l'enseignant] assure la relation avec les commanditaires, l'analyse de la demande, (...) les relations post-formation, c'est à dire le service après-vente. » Nouvelle définition des tâches des enseignants et des enseignants-chercheurs dans l'enseignement supérieur français (Rapport « Esperet »)
http://www.education.gouv.fr/rapport/esperet/default.htm

3Au passage, il est admis sans discussion que les ressources publiques ne peuvent jamais augmenter, et on s'estimera heureux si elles ne diminuent pas trop !

4On se penche beaucoup en ce moment sur le taux de réussite, qui devient un critère d'évaluation prépondérant des enseignements. Mais quelle valeur a ce critère quand ce sont les mêmes personnes qui dispensent l'enseignement, rédigent les sujets d'examens, corrigent les copies et siègent dans les jurys ? Rien n'est alors plus facile que d'atteindre un taux de réussite fixé à l'avance, en ajustant le niveau d'exigence.

5On serait plutôt tenté de supposer qu'une entreprise qui dispose de nombreux stagiaires a moins besoin de salariés. Surtout que cette main d'œuvre quasi-gratuite est mise à disposition sans aucune contrepartie : l'entreprise ne s'engage même pas à embaucher une fraction des stagiaires qu'elle a elle-même « formés » !

6« les compétences de base dont l'éducation et la formation tout au long de la vie doivent permettre l'acquisition : compétences en techniques de l'information, langues étrangères, culture technologique, esprit d'entreprise et aptitudes sociales » Objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation
http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/cha/c11049.htm

7« Au sein de la société de la connaissance, le rôle principal revient aux individus eux-mêmes », Memorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/cha/c11047.htm

8« Une université ouverte est une entreprise industrielle (...). Cette entreprise doit vendre ses produits sur le marché de l'enseignement continu que régit la loi de l'offre et de la demande » Commission Européenne aux ministres de l'éducation de l'Union Européenne (1992).

9Voir notamment http://ww.education.gouv.fr/realisations/education/superieur/bologne.htm et http://attac.org/fra/toil/doc/attacfrugfr.htm