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« Une autre université, une autre société »

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Stop au flicage généralisé

lundi 25 janvier 2021

Alors que les étudiants de Sorbonne Université, qui protestent depuis des mois, par des courriers à l’administration, des lettres ouvertes aux responsables de diplômes, des interventions des élus dans les instances, des rassemblements, etc, contre les conditions indignes d’organisation de leurs études et de leurs examens, ont reçu pour toute réponse l’intervention brutale des force de l’ordre dès la semaine de rentrée devant leurs lieux d’examens à la Sorbonne et à Clignancourt...

Alors que depuis plusieurs années en France, au fil des mouvements sociaux déclenchés par la casse sociale généralisée (lois Travail, casse du statut des cheminots, ParcourSup, mouvement des personnels hospitaliers, loi Blanquer, Gilets Jaunes, « réforme » des retraites, « réforme » de l’assurance-chômage, Marches des libertés), la « doctrine » du maintien de l’ordre consiste à envoyer les forces de l’ordre intimider et agresser les cortèges pacifiques…

Alors que ces forces du désordre, dressées par leurs maîtres contre la population, éborgnent des manifestants à coup de LBD, menacent, gazent et matraquent les lycéens partout en France, humilient des lycéens de Mantes-la-Jolie, mettent à terre et frappent à la tête une infirmière dans une manifestation à Paris, poursuivent en justice une manifestante tétraplégique à Toulouse pour usage d’une arme par destination (son fauteuil roulant !), provoquent la mort d’une citoyenne marseillaise par le tir d’une grenade lacrymogène dans son appartement, laissent pour morte une manifestante septuagénaire à Nice, font la chasse aux migrants sans-papiers, détruisent leurs campements en plein hiver, et agressent les journalistes qui couvrent ces interventions, frappent et arrêtent nos étudiants...

Alors que l’immense majorité de ces actes restent impunis, couverts par l’IGPN, ou classés sans suite par la justice…

Alors que la crise sociale, environnementale et sanitaire révèle la profonde perte de confiance des citoyens envers les gouvernants…

Ces gouvernants souhaitent encore étendre les pouvoirs de l’administration policière pour surveiller la population, et tenter de juguler l’indignation qui s’exprime de toute part. La proposition de loi dite « Sécurité globale » a été votée par l’Assemblée nationale et poursuit son cheminement parlementaire au Sénat. Derrière l’arbre de l’article 24 interdisant la diffusion d’images de violences policières (désormais retiré mais voué à être intégré à la loi « contre le séparatisme »), se cache bien mal la forêt de dispositions légalisant l’intervention d’entreprises privées pour des missions de police, autorisant l’usage de caméras et de drones par la police lors d’opérations de maintien de l’ordre, et mettant en œuvre l’analyse d’images par reconnaissance faciale dans l’espace public (NB : Sur le point de l’usage des drones pendant les manifestations, le Conseil d’Etat a retoqué les demandes de la Préfecture de Paris en mai et en décembre, et l’avenir nous dira si elle les réitère ou pas... voir ici).

A Sorbonne Université, on observe le même glissement vers la criminalisation des luttes sociales.
 
A la faculté des lettres, la rentrée de janvier a été marquée par une mobilisation étudiante protestant contre les modalités d’organisation des examens, et plus largement contre la "politique de l’autruche" de la présidence et du décanat alors que les étudiants témoignaient depuis des mois de leur détresse grandissante. En réponse, la propagande de la présidence et du décanat les présente comme une "poignée" de perturbateurs qui utiliseraient n’importe quel prétexte (aujourd’hui la crise sanitaire, hier la loi Travail ou ParcourSup) dans le seul but d’ "empêcher le fonctionnement normal de l’Université".
 
Nous ne sommes pas dupes de ces grosses ficelles rhétoriques. Ni la violence physique de la répression policière, ni la violence verbale de l’administration ne feront taire la colère de celles et ceux qui font l’université : les étudiant-es et les personnels !

Par ailleurs, par une série de décrets parus en décembre 2020, des fichiers de police et de gendarmerie recensant les « activités susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État » sont maintenant autorisés à porter la mention des opinions politiques, des convictions philosophiques ou religieuses, une appartenance syndicale, des « données de santé révélant une dangerosité particulière », ainsi que des « habitudes de vie ». Le Conseil d’État, saisi d’un recours en référé contre ces décrets par les syndicats et associations CGT, FO, FSU, SAF, SM, Solidaires, Unef et GISTI, a rejeté ce recours, entérinant ces nouvelles possibilités de fichage.

La coordination #StopLoiSécuritéGlobale, réunissant des syndicats et des associations soucieuses de la défense des libertés publiques, a organisé depuis l’automne 2020 plusieurs manifestations massives. Nous appelons à participer aux prochaines manifestations appelées par la coordination, notamment le 30 janvier prochain.

Enfin, la présence dans le débat public de ces questions de surveillance automatisée doit être l’occasion pour nous, personnels de l’enseignement et de la recherche, de nous interroger sur le rôle de notre travail de production et de diffusion de savoirs. Doit-on accepter de collaborer, dans les domaines du traitement automatisé du langage, des images, ou d’autres données, à des projets de recherche tendant à construire de nouveaux outils de surveillance qui pourront être utilisés contre les lanceurs d’alerte, les opposants politiques, les militants syndicaux, ou finalement tout individu considéré comme déviant ? Peut-on, au contraire, amener les étudiants à se construire une vraie connaissance des mécanismes employés par les technologies de l’information, et ainsi un point de vue réellement informé sur leurs usages potentiellement néfastes ?

Le roman 1984 de l’écrivain visionnaire Georges Orwell, retraduit récemment en français, décrivait déjà en 1949 un monde terrible où le pouvoir de surveillance de « Big Brother » s’invitait dans chaque logement par le biais des « télécrans », où le « crime par la pensée » était sévèrement réprimé, où aucun autre mode d’expression que la « novlangue » vide de sens n’était admis… un monde qui produirait « une race d’humains n’aspirant pas à la liberté ». L’œuvre d’Orwell nous donne encore à réfléchir sur le monde d’aujourd’hui, où l’expression des opinions est encadrée d’une manière de plus en plus stricte, et où les détenteurs de petits et grands pouvoirs ne répondent plus à la critique que par le mensonge, le mépris, et finalement la force.