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Ceci n’est pas un colloque universitaire - lettre ouverte à la présidente de Sorbonne Université

mardi 4 janvier 2022

Voir aussi notre communiqué : Ceci n’est pas un colloque universitaire.

Et la réponse de la présidence.

Madame la présidente,

Les 7 et 8 janvier 2022, quelques jours après votre prise de fonction, se tiendra dans un amphithéâtre de la Sorbonne un évènement intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ». Cet évènement est organisé par le Collège de philosophie, une association loi 1901 présidée par un enseignant-chercheur affecté à l’UFR de philosophie de Sorbonne Université. Sur son site, le Collège de philosophie se présente comme un centre de recherche, et définit son évènement comme un colloque international. Dès lors, la responsabilité et l’image de notre université sont engagées.

Vous le savez, les président-es d’université sont responsables de la sécurité générale des personnels de leur établissement, et sont chargés d’une mission de prévention des risques professionnels. C’est une grande responsabilité, puisqu’elle peut être engagée devant la justice [1], mais elle est essentielle pour permettre aux personnels d’exercer sereinement leur métier.

Or la plupart des intervenants de cette réunion politique sont signataires du « manifeste des 100 » qui appelait à la dénonciation des "islamo-gauchistes" (257 signataires à ce jour). Un certain nombre sont également membres de l’« Observatoire du décolonialisme », dont l’activité principale semble aussi être de dénoncer des collègues sur internet. Cet évènement qui aura lieu les 7 et 8 janvier reprend les mêmes thèmes, en évitant soigneusement le terme d’« islamo-gauchisme » (devenu trop sulfureux ?) mais en ciblant les études décoloniales, sans jamais envisager de laisser place au débat contradictoire (comme dans un vrai colloque universitaire). Ainsi, à n’en pas douter, le « colloque – sous entendu scientifique - international » annoncé ne sera rien d’autre qu’une réunion politique de propagande réactionnaire à laquelle participeront des personnes qui appellent régulièrement à la dénonciation et à la censure de collègues sur le site de l’« Observatoire du décolonialisme ». Sa présentation volontairement trompeuse vise à engager pernicieusement l’autorité scientifique de notre université. Concernant le contenu de cette réunion de propagande, ce sont ses intervenants – qui s’en retirent - qui en parlent le mieux. Nous laisserons donc ici la parole à un collègue qui s’exprime ainsi sur sa page Facebook :

« J’ai décidé de me retirer du colloque « Après la déconstruction », auquel j’avais accepté de participer bien que le titre en soi me gênât quelque peu (ce n’est pas en soi le principe de la déconstruction qui est en cause, c’est l’usage qui en est fait), parce que cette manifestation me semble devenir trop ouvertement politique. Ce n’est pas en dressant une idéologie contre une autre qu’on peut travailler efficacement. En situant trop ouvertement le propos à droite ou à l’extrême droite, on commet une erreur car on légitime a contrario ceux qui placent sans complexe le leur à l’extrême gauche. L’université n’a pas à offrir une légitimité académique à des polémistes ou à des chroniqueurs de presse dont la liberté d’expression doit absolument être garantie, bien sûr, mais n’est pas du même ordre qu’un travail de recherche. Le format « table ronde » où chacun parle six ou huit minutes est directement repris à la sphère médiatique qui est la leur, celle du débat télévisé. Il ne me convient pas, à moi, d’exprimer en dix minutes mon opinion sur quoi que ce soit ; ce serait obéir à la loi des médias pour lesquels tout peut toujours se résumer. C’est pourquoi quelqu’un comme moi ne pourra jamais aller à la télévision. Non, tout ne peut pas se résumer en deux phrases. J’ai protesté contre le lamentable concours « ma thèse en trois minutes », ce n’est pas pour me livrer à un exercice du même type. »

Une autre collègue s’exprime ainsi sur Twitter :

« Je ne me suis pas retirée du colloque, XLS m’a dégagée et remplacée par un partisan de Renaud Camus. Par ailleurs mes multiples propositions d’ouverture de la programmation sur la gauche, afin de rendre compte du pluralisme du débat, n’ont effectivement jms été prises en compte ».

Écartons tout malentendu : nous ne vous demandons pas l’annulation de cette réunion politique déguisée en colloque scientifique. Ce que nous attendons de vous, c’est un engagement lié à votre nouvelle fonction qui vous charge d’une mission de protection de la santé physique et mentale des personnels de l’université.

Pour mémoire, début 2021, comme 2000 personnes qui avaient signé cette réponse au manifeste des cents, votre prédécesseur M. Chambaz avait pris position très clairement au sujet de l’"islamo-gauchisme", à contrecourant des déclarations de la ministre Mme Vidal. Il avait en outre accordé la protection fonctionnelle aux collègues qui en avaient fait la demande après avoir été mis en cause publiquement dans cette chasse aux sorcières.

Ce que nous attendons de vous donc, c’est que vous donniez l’assurance à nos collègues :

  • que vous accorderez systématiquement le bénéfice de la protection fonctionnelle à toutes celles et tous ceux qui seront mis-es en cause publiquement dans l’exercice de leur missions d’enseignement et de recherche,
  • et que vous donnerez pour consigne à la direction des affaires juridiques de l’université d’effectuer un signalement auprès du ministère de l’intérieur pour toute dénonciation calomnieuse publiée sur internet ou ailleurs, sur simple demande de la personne concernée.

Veuillez recevoir, Madame la présidente, nos sincères salutations.

SUD éducation Sorbonne Université


Réponse de la présidence de Sorbonne Université

Chères et chers collègues,

Je vous remercie de votre message auquel je porte une attention toute particulière.

Comme vous le savez, ce colloque est organisé par le « Collège de philosophie », qui est une association loi 1901. Cette association a l’habitude d’organiser des conférences publiques comme celles qui se tiendront en fin de semaine dans Amphithéâtre Louis Liard en Sorbonne, espace qui relève de la Chancellerie des universités de Paris.

Si l’usage du nom « Sorbonne » peut prêter à confusion, je tiens à rappeler que ce colloque n’est pas organisé par Sorbonne Université et ne se tient pas dans les locaux de Sorbonne Université.

Comme nous le faisons à chaque fois que les faits le justifient, si certains membres de notre communauté étaient mis en cause publiquement de manière infamante dans l’exercice de leurs missions d’enseignement et de recherche, la protection fonctionnelle leur sera accordée.

Aussi, soyez assurés que je continuerai à la maintenir et à faire un signalement auprès du procureur de la République, conformément à l’article 40 du Code de la procédure pénale, en cas de dénonciation calomnieuse publiée sur internet ou ailleurs ou sur simple demande de la personne concernée.

Bien cordialement,

Le cabinet de la Présidence


[1« Le défaut d’accomplissement des diligences attendues d’un président d’université pour garantir la sécurité dans son établissement peut entraîner la mise en cause de sa responsabilité pénale lorsqu’il est causé un dommage corporel à autrui. » (guide juridique « Compétences et responsabilités des Présidents d’université et de COMUE » publié par la CPU, p.103)