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De quoi l’innovation est-elle le nom ?

mardi 7 juin 2022

Dans les discours des politiques, les slogans publicitaires des entreprises, les médias aux mains du patronat... et bien sûr dans la communication institutionnelle de SU et dans le journal du CNRS, le maître-mot est "innovation". C’est le totem tout-puissant qui donnerait à chaque pays, chaque entreprise, chaque individu, un avantage sur ses concurrents dans la compétition de tou-tes contre tou-tes. Dans la période actuelle de surproduction et de surconsommation de biens et de services inutiles, le recours permanent à l’innovation apparaît surtout comme la dernière tentative désespérée pour les grandes entreprises de masquer le désastre écologique, et de conjurer la “baisse tendancielle du taux de profit”, qu’un certain Karl Marx a identifié depuis 150 ans comme le principal facteur des crises économiques en régime capitaliste.

L’embrigadement dans la bataille pour être leader sur tel ou tel secteur technologique se fait, bien sûr, sous couvert de “progrès de la science”, avec retombées promises au bénéfice de la qualité de vie, en particulier de la santé, au moment même où des actions sanitaires de base sans nécessité de haute technologie ne sont pas mises en œuvre, comme par exemple la reconstruction d’une offre locale de soins, le suivi humain, les équipements pour la qualité de l’air intérieur.

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En ce qui concerne SU, concrètement, la priorité donnée à l’innovation signifie une gestion catastrophique du budget. Des UFR et des services sont laissés sans moyens pour fonctionner, et les personnels et étudiant-es abandonné-es à leur souffrance, tandis qu’environ 20% du budget annuel est inutilisé, en vue notamment de provisionner pour la réalisation du projet immobilier “Paris Parc” d’hébergement de “start-ups” en incubation. Cela signifie l’abandon des missions fondamentales de l’Université – conservation, développement et transmission des savoirs – au profit d’une conception utilitariste de la recherche et de l’enseignement, mis au service de la cause des profits. Cela signifie également l’abandon d’une logique de service public au profit d’une gestion contractuelle à court terme des personnels et des activités scientifiques, produisant précarité, perte de sens et souffrance au travail.

Pendant que les manageurs du secteur académique (président-es d’université et leurs vices, cadres supérieurs de l’administration), ainsi malheureusement qu’une partie de nos collègues dans les labos ou dans les conseils centraux, s’ébahissent devant l’eldorado innovatif et autres médailles de l’innovation, il reste un certain nombre d’étudiant-es et de collègues qui ne sont pas dupes. Nous vous proposons trois expressions récentes remettant en cause, chacune à leur manière, les dogmes de l’innovation et de l’accélération technologique :

  • Discours prononcé par huit élèves d’AgroParisTech lors de leur remise de diplôme
  • Interpellation de la présidente de l’Université Paris-Saclay (devenue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche), par le collectif Saclay en lutte, lors du congrès "Week of Innovative Regions in Europe" :
  • Expression du groupe de professeurs de philosophie d’Aix-Marseille, refusant de corriger les copies du Bac par le logiciel "Santorin" :

Et pour aller plus loin, le livre "Les capitalistes rêvent-ils de moutons électriques" de Jason E. Smith. Lire l’introduction de ce livre par Daria Saburova sur https://www.pressegauche.org/Vers-un-monde-sans-travail-Derriere-la-mythologie-capitaliste-la-lutte-des .