SUD éducation (Solidaires) Sorbonne Université

« Une autre université, une autre société »

Accueil > Communiqués > Plateformisation des équipements de recherche : ce sont nos métiers qui sont (...)

Plateformisation des équipements de recherche : ce sont nos métiers qui sont en jeu !

mardi 8 novembre 2022

Communiqué des élues et élus CGT-FSU-SUD-sympathisants aux conseils centraux et facultaires

Marchandisation et perte de sens

De nombreux équipements matériels de recherche à SU sont utilisés conjointement par plusieurs équipes ou plusieurs laboratoires, ce qui évite des dépenses redondantes en équipement. Il est également naturel que des procédures de coordination soient instaurées, notamment pour prévenir des conflits d’utilisation, organiser la maintenance des équipements, l’achat de fournitures consommables, etc.

Cependant, avec le fonctionnement en plateformes à SU, on arrive bien au-delà d’une simple mutualisation de moyens.

C’est avant tout le sens du métier des ingénieurs et techniciens qui est altéré. La logique de plateforme induit une tendance à considérer ces collègues, non plus comme des membres de la communauté de recherche (équipe, laboratoire), mais comme des « ressources » mises à la disposition des équipes de recherche : une plateforme est conçue comme un « pack clé-en-main », comprenant des équipements, des personnels qui leur sont attachés et une offre de prestations. Au lieu de relations professionnelles équilibrées, cela encourage une relation sur le modèle client/prestataire, entre des équipes utilisatrices et des équipes chargées de faire fonctionner les équipements. Cela change tout ! Cela implique non seulement une dégradation des conditions de travail (surcharge, tâches répétitives, exposition accrue aux conflits d’utilisation), mais également une dépossession de ce qui fait l’intérêt principal de ces métiers : l’appartenance à un collectif de travail, où chacun apporte, depuis son propre niveau d’expertise, une contribution à l’effort commun pour répondre aux problématiques scientifiques que s’est posées ce collectif. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la souffrance au travail explose sur les plateformes. D’autre part, le manque de reconnaissance de l’expertise et de la technicité des techniciens et ingénieurs rattachés à une plateforme, et de leur contribution aux travaux scientifiques, se reflète dans les pratiques de publication scientifique. En effet, pour les publications issues de travaux auxquels ils ont pourtant contribué, leur nom n’est généralement pas inclus dans la liste des auteurs, leur implication devient invisible aux yeux de tous.

Certaines plateformes de recherche sont également mises à la disposition d’acteurs extérieurs : des organismes de recherche, mais aussi des acteurs privés. Vu l’opacité totale qui règne en ce domaine (voir ci-dessous), on ne peut que s’inquiéter de la formation d’un marché des plateformes, où le travail effectué sur des équipements publics n’est plus qu’une marchandise, dont le tarif dépend de la concurrence avec d’autres établissements publics ou des entreprises. SU demande aux responsables de plateforme d’atteindre l’équilibre financier, en comptant notamment les salaires des contractuels, ce qui entraîne une course à la facturation, qu’elle soit académique ou privée. Ce pilotage des activités de recherche, hors du contrôle de la communauté scientifique (conseils d’unités, commission de la recherche), et guidé par des motifs mercantiles, est inadmissible. Nous défendons au contraire unfonctionnement de service public, dans lequel l’utilisation des équipements est déterminée exclusivement par les besoins de la communauté scientifique, et discutée au sein d’instances démocratiques.

Charte des plateformes et carotte budgétaire

Depuis 2020, une nouvelle « Charte des plateformes » est proposée aux responsables de plateformes à SU. Les termes de cette charte engagent notamment les responsables à fournir à l’administration de SU un rapport annuel d’activité de la plateforme, comportant les bilans financiers, les tarifs de facturation, les bilans d’utilisation, etc. En échange, la plateforme peut demander un co-financement (à hauteur de 50% du montant total) dans le cas d’un investissement dans un nouvel appareil ou pour l’upgrade d’un appareil existant. Ainsi, une centaine de plateformes participant à ce dispositif sont référencées sur la page https://intranet.sorbonne-universite.fr/fr/recherche/plateformes-de-recherche.html. Le budget de la campagne « investissement plateformes » de SU en 2022 est de 1,2 millions d’euros.

Transparence, quand tu nous tiens…

D’après le Code de l’Éducation, « la commission de la recherche du conseil académique répartit l’enveloppe des moyens destinée à la recherche telle qu’allouée par le conseil d’administration et sous réserve du cadre stratégique de sa répartition, tel que défini par le conseil d’administration. ». Ainsi, la commission de la recherche doit évidemment accéder aux rapports annuels disponibles, et décider de l’allocation des moyens sur cette base.

Lors de la séance du 23 juin dernier de la commission, un « point d’information » sur les plateformes de recherche a été présenté. Malgré la demande de nos élus, les rapports annuels n’ont pas été communiqués à la commission en amont de la séance. Après plusieurs relances infructueuses auprès de la présidente de SU, nous avons saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), qui a rendu un avis le 8 septembre, estimant que ces rapports doivent nous être communiqués sans délai. Cependant, la présidente de SU maintient son refus, sur les motifs suivants : « Nous avons passé un contrat moral avec les plateformes et leur avons assuré que les données ne seraient diffusées. Pour cette année, afin d’éviter une rupture de confiance avec les plateformes, nous ne transmettrons pas les documents demandés. »

Cette réponse scandaleuse signifie tout simplement que la présidente s’est engagée auprès de responsables de plateformes à garder le secret sur leur gestion de ces structures, et en particulier à ne pas permettre à la commission compétente d’en connaître le moindre élément ! Ce « contrat moral » passé avec des responsables locaux, est donc tenu pour supérieur aux obligations de la présidente en matière de sincérité et de transparence dans les conseils centraux régis par la loi et par les statuts de SU. Ceci en dit long sur la conception que la clique présidentielle de SU se fait du service public de recherche.

Nous ne pouvons accepter que la communauté scientifique, et en particulier les personnels utilisant les équipements scientifiques ou travaillant à les faire fonctionner, ne puisse examiner démocratiquement la mise en œuvre de la politique universitaire relative à ces équipements, et ainsi défendre le sens de leurs métiers et du service public !