SUD éducation (Solidaires) Sorbonne Université

« Une autre université, une autre société »

Accueil > Communiqués > La sous-traitance du nettoyage, un partenariat « gagnant-gagnant » selon la (...)

La sous-traitance du nettoyage, un partenariat « gagnant-gagnant » selon la présidente de Sorbonne Université

vendredi 28 janvier 2022

Compte-rendu du RDV du 25 janvier 2022 entre la présidente de SU et les représentants syndicaux SU, à propos des conditions de travail des agents du nettoyage du campus PMC

Par les représentants SUD, CGT, FSU, SNPTES-UNSA, CFDT

Contexte du RDV

Pour la deuxième fois de l’année universitaire, les agents du nettoyage du campus Pierre et Marie Curie (dit campus Jussieu) se sont mis en grève pour protester contre les méthodes de leur employeur, le sous-traitant « Arc-en-Ciel Environnement ». Ils expriment à nouveau leur ras-le-bol des augmentations sauvages de cadences de travail, de la mauvaise volonté pour verser le paiement des heures travaillées et des congés maladie, de l’absence d’embauches pour effectuer les remplacements, etc. Mais ce qui a concrètement déclenché la grève, ce sont les annonces par la direction d’Arc-en-Ciel, en décembre et janvier derniers, d’une réorganisation du travail, de l’introduction de badgeuses mobiles, et de procédures de licenciement contre deux chefs d’équipe ayant joué un rôle important dans la grève de septembre 2021.

Ainsi, le 17 janvier, une partie importante des agents (30 % la première semaine) étaient entrés en grève. Cette action courageuse est très coûteuse financièrement et très dure moralement pour les grévistes, l’ensemble des agents étant en butte aux provocations et aux intimidations de la direction d’Arc-en-Ciel et de ses sbires, qui viennent les espionner jusque dans nos locaux syndicaux. Malgré ces obstacles, le 25 janvier, 20 % des agents étaient toujours en grève. Le 19 janvier, nous étions environ 80 personnels et étudiants à former un cortège pour accompagner Hassan, l’un des agents visés par une procédure de licenciement, au siège d’Arc-en-Ciel à Champigny-sur-Marne.

Les agents nous ayant alertés plusieurs jours avant la grève, nous avions demandé un rendez-vous en urgence dès le 13 janvier à la présidente de SU. Après plusieurs relances, il nous a été proposé un rendez-vous le 25 janvier, avec la présidente, entourée du doyen de la FSI, du vice-président RH, du directeur général des services, et de la directrice générale de la FSI. Etaient présents des représentants SUD, CGT, FSU, SNPTES-UNSA, FO-ESR et SGEN-CFDT.

Sur les interventions de SU pour garantir les conditions de travail des agents du nettoyage

Notre demande principale lors de ce rendez-vous était une intervention énergique de la présidente de SU pour exiger que l’entreprise Arc-en-Ciel mette fin immédiatement aux violations manifestes du Code du Travail, et aux atteintes permanentes à la sécurité physique et psychique des agents dans leur travail. Nous avions auparavant documenté et relayé, auprès de la présidente, les alertes lancées par les agents sur ce sujet : voir également nos communiqués précédents. L’article L712-2 alinéa 7 du Code de l’Éducation, prévoit en effet que « [Le président de l’université] est responsable de la sécurité dans l’enceinte de son établissement et assure le suivi des recommandations du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail permettant d’assurer la sécurité des personnels et des usagers accueillis dans les locaux  ». Nous rappelons également que la présidente de SU préside le Comité d’Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT). Vu l’urgence, nous avons insisté sur le fait qu’il est nécessaire d’agir rapidement en prévention primaire pour couper les facteurs de risques à la source.

La présidente nous a indiqué avoir fait une demande d’information à la direction d’Arc-en-Ciel, et nous a donné une lecture rapide de la réponse donnée par celle-ci, dans laquelle il est affirmé que tous les points du protocole de fin de grève du mois de septembre étaient respectés, et que tous les problèmes de paie et de contrats étaient régularisés (à l’exception de quatre agents qui n’auraient pas fourni les documents nécessaires). À notre connaissance, la présidente n’a pas donné suite à ces affirmations, qui sont en contradiction évidente avec les éléments que nous avions documentés, et avec le fait que 20 % des agents étaient toujours en grève et manifestaient sur le campus au moment où nous parlions. En revanche, elle dément les affirmations de la direction d’Arc-en-Ciel, selon lesquelles SU aurait demandé l’instauration de badgeuses mobiles équipées de GPS pour le suivi des agents. Elle s’engage à écrire un nouveau courrier à la direction d’Arc-en-Ciel, à propos des éléments plus récents que nous lui avons signalés.

À propos des procédures de licenciement en cours contre les meneurs de la grève de septembre, la présidente se défend d’intervenir, et renvoie les agents concernés vers une procédure auprès de l’Inspection du Travail ou des prud’hommes.

Tout au long de l’entretien, la présidente a martelé que dans sa position de donneuse d’ordre, son rôle devrait se limiter à « contrôler la bonne exécution de la prestation » fournie par le sous-traitant Arc-en-Ciel, sans interférer dans l’organisation du travail au sein de cette entreprise. Par ailleurs, entre autres propos désobligeants sur la faiblesse du mouvement de grève, elle a jugé utile de nous faire part des commentaires de la direction d’Arc-en-Ciel, qui se plaint de « l’ingérence » de nos syndicats dans ses affaires.

Il existe un cahier des charges et une convention entre SU et Arc-en-Ciel, et nos élues au CHSCT ont rappelé leur demande d’en avoir une copie de ces documents conformément à leurs prérogatives, ce qui leur a été à nouveau promis. Nous avons également demandé à connaître les clauses sociales contenues dans le cahier des charges, et le dispositif mis en œuvre par SU pour s’assurer du respect de ces clauses. Aucune réponse sur ces points ne nous a été donnée lors de l’entretien. Le cahier des charges nous ayant été transmis quelques jours après l’entretien, nous constatons finalement que les clauses sociales se limitent au paiement des cotisations sociales et au respect des obligations du Code du Travail en matière de prévention des risques, sans précision sur la manière dont SU vérifie leur application.

En résumé, les engagements de la présidente sont :

  • de transmettre en partie la convention et le cahier des charges entre Sorbonne Université et la société Arc-en-ciel Environnement, sauf les clauses confidentielle,
  • de lister les actions à mener et en priorisant l’urgence,
  • de renvoyer un courrier à l’entreprise Arc-en-ciel précisant de donner des garanties sur un certain nombre d’actions et les prioriser,
  • d’informer la communauté de ces démarches.

Enfin, la présidente de SU, qui se dit dans l’incapacité de vérifier les éléments que nous lui présentons, refuse pourtant catégoriquement de recevoir une délégation de salariés du nettoyage.

La sous-traitance en question

Les DGS nous ont décrit le dispositif complexe du contrôle de la prestation de nettoyage, avec évaluation contradictoire entre SU et le sous-traitant, contrôles aléatoires, point hebdomadaire, plan de qualité, etc, et qui mobilise spécifiquement des personnels de SU. En revanche, ils affirment n’avoir quasiment aucune prise sur les conditions de travail des agents. D’autre part, d’après la présidente, il serait techniquement impossible de rompre le contrat liant SU à Arc-en-Ciel avant la date de reconduction, soit en février 2023 (sur ce point, voir notre analyse ci-dessous).

Après cet exposé, qui constitue logiquement un véritable plaidoyer contre le système de sous-traitance, nous demandons alors : Du point de vue de SU, quels sont les avantages de la sous-traitance, comparée à une organisation du nettoyage par un service interne ?

À défaut d’être en accord avec nos positions, la réponse de la présidente a eu le mérite de la franchise. La sous-traitance est selon elle, « un partenariat gagnant-gagnant », qui permet à SU de « dégager des marges de manœuvre budgétaires, pour se concentrer sur le cœur de nos missions ». Si nous pouvons nous permettre une traduction en français courant, cela pourrait donner : « nous le faisons parce que cela nous coûte moins cher que du personnel employé directement par l’université ». Elle assume ainsi un argument purement budgétaire – qui mériterait à vrai dire un examen factuel approfondi – au mépris des conséquences humaines que nous avons énumérées plus haut.

Nos analyses à la suite de cet entretien

Le système de sous-traitance induit une zone de flottement juridique, dans laquelle des agents travaillant entièrement pour l’université, et effectuant en son sein des tâches quotidiennes indispensables, sont subordonnés à l’autorité d’une entreprise privée. Ainsi, les agents ne peuvent exercer de manière effective les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution : droit d’association et de réunion sur le lieu de travail, représentation dans les instances garantissant leurs conditions de travail et leur sécurité au travail, etc. La limitation de l’exercice de ces droits déplace largement le rapport de force en faveur de l’employeur dans toute négociation des conditions de travail.

Pour l’administration de SU, au-delà de garanties limitées en termes de santé et sécurité, son pouvoir d’intervention sur les conditions de travail pendant l’exécution du contrat se borne à imposer des clauses sociales dans le cahier des charges, et à tenter de les faire respecter – comme indiqué ci-dessus, lors de l’entretien nous n’avons pu obtenir aucune information sur ces garanties minimales à SU. Par ailleurs, le refus de la présidente de SU de prendre en compte les conséquences humaines de cette organisation, malgré les multiples éléments mis en évidence, nous a choqués.

Pourtant, si elle souhaitait réellement s’impliquer pour faire cesser les violations des droits élémentaires des salariés, l’université pourrait utiliser un levier de négociation existant : en effet, l’article 18 du cahier des clauses administratives particulières (qui nous a été transmis après l’entretien) est ainsi rédigé : « Le présent marché peut être résilié à tout moment par le pouvoir adjudicateur, suite à une faute ou une défaillance du titulaire ou bien par simple décision unilatérale, sous respect d’un préavis de trente (30) jours par envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. La résiliation est alors prononcée par le pouvoir adjudicateur, sans que le titulaire puisse prétendre à indemnité. [...] ». Ainsi, SU n’a aucune obligation d’attendre la fin du contrat (début 2023) pour y mettre fin unilatéralement et sans indemnités, avec un simple délai de 30 jours. Il existe même certaines conditions sous lesquelles le contrat peut être rompu sans ce délai de 30 jours.

Enfin, sur le plan purement économique, qualifier la sous-traitance de « partenariat gagnant-gagnant » relève, au mieux, de la croyance aux miracles : comment l’intervention d’une entreprise privée, qui prélève nécessairement un bénéfice, peut-elle permettre d’assurer les mêmes tâches à un coût plus avantageux pour la collectivité ? En réalité, les économies sont réalisées en premier lieu sur le dos des agents, en maintenant leurs salaires au plus bas, mais aussi au détriment de l’ensemble des salariés du pays, à travers leurs caisses d’assurances sociales, car la sous-traitance induit des cotisations sociales bien moins élevées que dans le secteur public. D’autre part, comme on le voit à SU, la sous-traitance induit une « usine à gaz » administrative pour la gestion des contrats et le contrôle de la prestation, et donc une surcharge bureaucratique avec un coût budgétaire non négligeable. Par-dessus le marché, pour la sous-traitance dans les secteurs à faible qualification comme le nettoyage, le gardiennage, la manutention, etc, les pratiques de vol de salaire (heures travaillées et non payées) et de tricherie sur les prestations sont monnaie courante.

Ainsi, la lutte actuelle des salariés d’Arc-en-Ciel fournit une excellente occasion pour dénoncer les travers de la sous-traitance et ouvrir la réflexion sur la ré-internalisation du nettoyage à SU, et pour cela nous sommes grandement redevables aux salariés du nettoyage en grève ! Nous n’aurons de cesse de réclamer la rupture du contrat avec Arc-en-Ciel, et la ré-internalisation intégrale du service de nettoyage, sans attendre la fin du contrat prévue en février 2023.

Les représentants SUD, CGT, FSU, SNPTES-UNSA